La ville Michelin, Clermont 2028

« A very french mixture of tradition with a step into the future », « Dark, quiet, friendly, unique in some way », « Vulcano », « Sunlight and dark rock ». En route pour Clermont-Ferrand, Nele Hertling, Rarita Zbranca, Mahir Namur et Guido Ferrilli répondent à mes questions sur WhatsApp pour connaître ce qu’ils imaginent de la capitale auvergnate.

Clermont-Ferrand a engagé en 2015 un processus de long terme avec les Etats généraux de la Culture et l’établissement d’un projet culturel de Métropole pour 2016-2026, puis le lancement en 2017 du Festival Emergences et en 2019 les premières labellisations de projets locaux investis dans des coopérations européennes. Nous en sommes là au moment de cette visite : pour la Mission 2028 j’organiser la venue d’acteurs et observateurs des Capitales européennes de la Culture, amis et collègues de l’initiative A Soul for Europe.

Les capitales européennes de la culture est le programme de l’Union européenne qui vise à « mettre en lumière la richesse et la diversité des cultures européennes; célébrer les liens culturels unissant les Européens; renforcer le sentiment d’appartenance des citoyens européens à un espace culturel commun; favoriser la contribution de la culture au développement des villes. »

En France, l’image du programme est évidemment très liée aux plus récentes : Lille 2004 et Marseille Provence 2013. Mais au-delà d’une fête pendant une année, le titre soutien des processus de transformation durable des villes et des territoires par la culture.

Notre visite de Clermont-Ferrand dure trois jours. L’objectif étant de porter un regard extérieur, européen et connaisseur sur la dynamique en cour. Mais également de partager avec les acteurs locaux des expériences, des valeurs et ambitions que nous accordons aux capitales européennes de la culture.

La ville Michelin

Le premier jour débute à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture. De la terrasse de cet ancien hôpital, on découvre la ville paysage, à la limite de la chaîne des Puys, volcans qui semblent endormis, et de la riche plaine céréalière de la Limagne. Entre les vieilles villes de Clermont et Montferrand, Michelin dessine l’urbanisme : les nombreuses cités ouvrières, les grandes usines et la surprenante rampe pour tester les pneumatiques.

Ce matin, nous découvrons la ville Michelin. En commençant par la Cité de la Plaine, bâtie dans les années 20. Le long des rues au nom de valeurs catholiques, les maisons ont été reproduites sur un schéma identique : mitoyenneté, un étage, jardin potager ouvert sur la rue. Mais au cours des années, de l’amélioration du confort domestique et du rachat par les particuliers, ceux-ci les ont améliorées à leur goût : enceintes clôturés, aménagements des espaces extérieurs, couleurs des murs plus différenciées. L’habitat social d’aujourd’hui est fort différent, des petits immeubles confortables, entre lesquels ont privilégie la circulation piétonne et le jeu des enfants.

La rampe de test est un bâtiment en béton surprenant, une courbure qui semble avoir servi de décors pour Inception. C’est une relique industrielle : la plupart des usines de production de pneumatiques à Clermont-Ferrand ne sont plus en activités, Michelin privilégiant à Clermont-Ferrand la recherche. Mais l’industriel a installé ici son siège mondial, à proximité du stade Michelin et du musée Michelin, la famille conserve ses racines et une très forte considération de la population.

Cluj, Istanbul, Berlin

L’après-midi nous rencontrons plusieurs membres du Comité de Réflexion, universitaires et chercheurs qui participent à concevoir la candidature de Clermont-Ferrand au titre européen. L’idée principale de cette rencontre, et de celles qui suivront, est de partager l’expérience d’autres candidatures pour être Capitales Européennes de la Culture, qu’elles ait été choisies ou pas.

Rarita a participé à la conception de la candidature de Cluj, troisième ville de Roumanie qui a connu au début des années 2000 un fort élan culturel. La préparation du projet a mobilisé plus de 300 acteurs, membres de la société civile, artistes et animateurs culturels, universitaires, dont l’enjeu a été de définir des priorités pour la ville : mobilité, accès à l’eau, multi-culturalité. Le processus ainsi mis-en-œuvre est devenu un mode de coopération qui perdure au delà de la candidature elle-même (c’est Timisoara qui sera Capitale Européenne de la Culture 2021), notamment à travers le réseau Culture Next.

Mahir confirme : la durabilité d’une démarche participative est liée aux personnes plutôt qu’aux institutions, l’enjeu est d’inviter les habitants et acteurs pour apporter quelques chose à la ville.

Au tournant des années 2000, Istanbul préparait son rapprochement avec l’Union européenne. Etait-elle pour autant européenne ? La métropole avait également connu depuis les années 80 un fort développement de l’art contemporain par le secteur privé, favorisant son développement commercial mais offrant peut de perspective aux nouveaux acteurs plus indépendants.

Mahir a participé à concevoir un dialogue continu mené par les acteurs culturels indépendants avec les institutions turques et européennes, d’où ont émergé de nombreux projets. Mais la préparation de la candidature au titre de Capitale Européenne de la Culture 2010 a ignoré cette démarche participative, les promesses budgétaires médiatisées et la gestion bureaucratique l’ont compromise.

Nele a conçu et dirigé le projet pour Berlin, en 1988. Elle voit la démarche de préparation participative comme un trésor qu’on créé. L’ambition étant de mobiliser les outils de la culture et des arts pour établir une vision collective de la ville, à la fois spécifique et européenne.

Clermont-Ferrand a deux années pour déposer son projet de Capitale auprès de l’Union Européenne. Une période qui semble courte, mais Guido rassure : “vous avez ce qu’il faut pour produire une transformation“.

Rapport d'étonnement des 2 jours

© Nicolas Bertrand